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Page:Loti - Les Désenchantées, 1908.djvu/348

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par cette petite lettre, encore très courte, et orientale autant que la précédente :

"Bounar-Bachi, 21 février 1905.

Je me disais depuis des jours : Où est-il, le bon remède qui doit me guérir ? Il est arrivé, le bon remède, et mes yeux, qui sont devenus trop grands, l’ont dévoré. Mes pauvres doigts pâles le tiennent, merci ! Merci de me faire l’aumône d’un peu de vous-même, l’aumône de votre pensée. Soyez béni pour la paix que votre seconde lettre m’a apportée !

Je vous souhaite du bonheur, ami, en remerciement de l’instant de joie que vous venez de me donner. Je vous souhaite un bonheur profond et doux, un bonheur qui charme votre vie comme un jardin parfumé, comme un matin clair d’été. DJÉNANE."

Malade, vaincue par la fièvre, la pauvre petite cloîtrée redevenait quelqu’un de la plaine de Karadjiamir, —comme on redevient enfant. Et, sous cet aspect, antérieur à l’étonnante culture dont elle était si fière, André l’aimait davantage.

Cette fois encore, au petit mot de Djénane, il y avait un post-scriptum de Mélek. Après des reproches sur la rareté de ses lettres toujours courtes, elle disait :

"Nous admirons votre agitation, en vous demandant comment il faudrait nous y prendre pour être agitées nous aussi, occupées, surmenées, empêchées d’écrire à nos amis. Enseignez-nous le moyen, s’il vous plaît. Nous au contraire, c’est tout le jour que nous avons le temps d’écrire, pour notre malheur et pour le vôtre… MÉLEK."