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Page:Loti - Les Désenchantées, 1908.djvu/389

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à tel point qu’il retrouvait tout à coup les mêmes impressions que jadis, à la fin de ses vacances d’enfant, lorsqu’il fallait à cette même époque de l’année quitter la campagne où l’on avait fait tant de jolis jeux sous le ciel de septembre…

À mesure qu’il s’élevait cependant, par les petits sentiers de lichens et de bruyères, à mesure que se découvraient les lointains, s’en allait son illusion de France ; ce n’était plus cela, et la notion du pays turc s’imposait à la place ; les méandres profonds du Bosphore s’ouvraient à ses pieds, montrant les villages ou les palais des rives, et les caravanes de bateaux en marche. Vers l’intérieur des terres, c’étaient aussi des aspects étrangers, une succession infinie de collines couvertes d’un même et épais manteau de verdure, des forêts trop grandes et tranquilles, comme notre France n’en connaît plus.

Quand il atteignit enfin ce plateau, battu par tous les souffles du large, qui sert de péristyle à la vieille mosquée solitaire, quantité de femmes turques étaient assises là sur l’herbe, venues en pèlerinage dans de très primitives charrettes à bœufs. Vite, dès qu’il fut aperçu, vite les mousselines enveloppantes s’abaissèrent pour cacher tous les visages. Et cela devint une muette compagnie de fantômes voilés, qui se détachaient, avec une grâce archaïque, sur l’immensité de la Mer Noire, soudainement apparue autour de l’horizon.