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Page:Loti - Les Désenchantées, 1908.djvu/424

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ont-elles ? C’est atroce de se dire que peut-être il ne restera rien, que peut-être vous hausserez les épaules et vous sourirez en y repensant….

Quelle hâte et quelle frayeur jai de le lire, ce livre où vous parlerez des femmes turques, —de nous !… Y trouverai-je ce que je cherche en vain à découvrir depuis que nous nous connaissons : le fond de votre âme, le vrai intime de vos sentiments ; tout ce que ne révèlent ni vos lettres brèves, ni vos paroles rares. Jai bien quelquefois senti en vous lémotion, mais cétait si tôt réprimé, si furtif ! Il y a eu des moments ou jaurais voulu vous ouvrir la tête et le cœur, pour savoir enfin ce qu’il y avait derrière vos yeux froids et clairs !…

Oh ! André, ne dites pas que je divague !… Je suis malheureuse et seule,… je souffre et me débats dans la nuit !… Adieu. Plaignez-moi. Aimez-moi un peu si vous pouvez. DJÉNANE."

André répondit :

« Il ne vous reste plus grand-chose à découvrir, allez derrière mes yeux » froids et clairs". Je sais bien moins ce qui se passe derrière les vôtres, chère petite énigme….

Vous me la reprochez toujours, ma manière silencieuse et fermée:c’est que jai trop vécu, voyez-vous ; quand il vous en sera arrivé autant, vous comprendrez mieux….

Et si vous croyez que vous navez pas été glaciale, vous, hier, au moment de nous quitter… !

Donc, à demain soir quatre heures, au triste quai de Galata. Dans ce tohubohu des départs, je veillerai bien ; je naurai dautre préoccupation, je vous assure, que de ne pas manquer le passage de votre chère silhouette noire,… puisque c’est tout ce que vous me laissez le droit de regarder encore……………………………………….. ANDRÉ.