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Page:Loti - Les Désenchantées, 1908.djvu/65

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que bordaient d’un côté les vieilles demeures grillées, de l’autre le domaine délicieux des morts…

Ah ! elles venaient !… C’étaient elles, là-bas, ces deux minces fantômes noirs sans visage, sortis d’une grande porte morose, et qui se hâtaient, escortés de deux nègres à long sabre… Bien vite décidées, bien vites prêtes, les pauvres petites !… Et de les avoir reconnues, accourant ainsi à son appel d’angoisse, elle sentit ses yeux s’embrumer ; des larmes, mais cette fois des larmes douces, coulèrent sur sa joue.

Dès qu’elles entrèrent, relevant leurs tristes voiles, la mariée se jeta en pleurant dans leurs bras/

Toutes deux la serrèrent contre leur jeune cœur avec la plus tendre pitié :

"Nous nous en doutions, va, que tu n’étais pas heureuse… Mais tu ne voulais rien nous dire… T’en parler, nous n’osions pas… Depuis quelques jours, nous te trouvions si cachée avec nous, si froide.

— Eh ! vous savez bien comment je suis… C’est stupide, j’ai honte que l’on me voie souffrir…"

Et elle pleurait maintenant à sanglots.

« Mais pourquoi n’as-tu pas dit » non", ma chérie ?

— Ah ! j’ai déjà dit « non » tant de fois !… Elle est trop longue, à ce qu’il paraît, la liste de ceux que j’ai refusés !… Et puis, songez donc : vingt-deux ans, j’étais presque une vieille fille… D’ailleurs, celui-là ou un