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Page:Loti - Les Derniers Jours de Pékin, 1901.djvu/452

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LES DERNIERS JOURS DE PÉKIN.

qu’on ouvrait en tremblant… Et, à chaque désastre, à chaque récit des cruautés allemandes, ces rages qui nous venaient au cœur, un peu enfantines encore dans l’excès de leur violence, et ces serments qu’on faisait entre soi de ne pas oublier !… Tout cela, pêle-mêle, ou plutôt la synthèse rapide de tout cela, se réveille en moi, à la porte de cette salle du déjeuner, même avant que j’aie passé le seuil, rien qu’à la vue des casques à pointe accrochés aux abords, et j’ai envie de m’en aller…

J’entre, et cela s’évanouit, cela sombre dans le lointain des années : leur accueil, leurs poignées de main et leurs sourires de bon aloi m’ont presque rendu l’oubli en une seconde, l’oubli momentané tout au moins… Il semble d’ailleurs qu’il n’y ait pas, entre eux et nous, ces antipathies de race, plus irréductibles que les rancunes aiguës d’une guerre.

Pendant le déjeuner, leur palais chinois, habitué à entendre les gongs et les flûtes, résonne mystérieusement des phrases de Lohengrin ou de l’Or du Rhin, jouées un peu au