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Page:Loti - Madame Chrysanthème, 1899.djvu/128

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MADAME CHRYSANTÈME

faire une grosse voix rauque, une voix de vieux crapaud, une voix de ventriloque sortie je ne sais d’où (ce qui est la grande manière théâtrale, le dernier mot de l’art pour interprétation des morceaux tragiques).

Yves lui jeta un regard indigné :

— Oh ! par exemple ! dit-il, — mais c’est la voix d’une… (dans son étonnement, les mots lui manquaient) — c’est la voix d’un… d’un monstre !…

Et il me regarda, presque épouvanté par cette petite, anxieux de savoir ce que j’en pensais.

D’ailleurs il était de mauvaise humeur aujourd’hui, mon pauvre Yves, parce que je l’avais obligé à sortir coiffé de certain chapeau de paille, à bords très relevés, qui ne lui plaît pas :

— Il te va très bien, Yves, je t’assure.

— Oui ? Vous le dites, vous… Il ressemble à un nid de pie, moi je trouve !


Comme diversion à cette chanteuse et à ce chapeau, voici maintenant un cortège, qui nous arrive du bout de la rue là-bas, quelque chose comme un enterrement. Des bonzes marchent en tête, vêtus de robes en gaze noire, — un air de prêtres catho-