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MADAME CHRYSANTHÈME

verrouillé ; on ne nous attend pas, et il faut faire tapage à la porte. Chrysanthème se met de toute sa force à héler ;

Ho ! Oumé’-San..an..an..an ! (En français : Ohé ! madame Pru..u..u..u..ne !)

Je ne connaissais pas ces intonations-là à sa petite voix ; son appel traînant, dans la sonorité obscure de minuit, a un accent si étranger, si inattendu, si bizarre, qu’il me donne une impression de lointain et extrême exil…

Enfin madame Prune apparaît pour nous ouvrir, mal éveillée, très émue, coiffée de nuit dans un opulent turban en coton sur le fond bleu duquel folâtrent quelques cigognes blanches. Tenant du bout des doigts, avec une grâce épeurée, la longue tige de sa lanterne à fleurs, elle nous dévisage l’un après l’autre pour vérifier nos identités — et elle n’en revient pas, pauvre dame, de ce mousko que je rapporte…