Aller au contenu

Page:Loti - Madame Chrysanthème, 1899.djvu/239

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
223
MADAME CHRYSANTHÈME

retiré d’une jolie boîte en laque, elle relevait, du bout des doigts, à la hauteur de ses yeux, en clignant, afin de regarder le ciel au travers — le beau ciel d’été — comme on fait pour vérifier l’eau des pierres précieuses.

— Voilà, me disait-elle, la pièce de prix que tu devrais offrir à ta femme.

Et ma mousmé, très captivée, admirait combien la substance de ce peigne était limpide, combien la forme en était gracieuse.

Ce qui me plaisait le plus, à moi, c’était la boîte en laque. Sur le couvercle, une étonnante peinture, or sur or, représentait une vue, prise de très près, à la surface d’un champ de riz, par un jour de grand vent : un fouillis d’épis et d’herbages couchés et tordus par quelque rafale terrible ; çà et là, entre les tiges tourmentées, on apercevait la terre boueuse de la rizière ; il y avait même des petites flaques d’eau — qui étaient des parties de laque transparente dans lesquelles d’infimes parcelles d’or semblaient flotter comme des fétus dans un liquide trouble ; deux ou trois insectes, qu’il eût fallu un microscope pour bien voir, se cramponnaient à des roseaux, avec des airs d’épouvante, —