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MADAME CHRYSANTHÈME

canotiers d’un galbe anglais sont posés de côté, d’une manière fort galante. Sous leurs bras, ils tiennent des cartons chargés d’esquisses ; dans leurs mains, des boîtes d’aquarelle, des crayons, et, liés en faisceau, de fins stylets dont on voit briller les pointes aiguës.

Du premier coup d’œil, même dans l’effarement de mon réveil, j’embrasse l’ensemble de leurs personnes et je devine à quels hôtes j’ai affaire :

— Entrez, dis-je, messieurs les tatoueurs !

Ce sont les spécialistes les plus en renom de Nagasaki ; je les avais mandés depuis deux jours, ne sachant pas partir et, puisqu’ils sont venus, je les recevrai.

À la suite de mes fréquentations avec des êtres primitifs, en Océanie et ailleurs, j’ai pris le goût déplorable des tatouages ; aussi ai-je désiré emporter comme curiosité, comme bibelot, un spécimen du travail des tatoueurs japonais, qui ont une finesse de touche sans égale.

Dans leurs albums, étalés sur ma table, je fais mon choix. Il y a là des dessins bien étranges appropriés aux différentes parties de l’individu humain : des emblèmes pour bras et pour jambes,