Page:Loti - Mon frère Yves, 1893.djvu/137

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… Yves était monté avec les bâbordais dans ce désarroi de la mâture, et alors je regardais en haut, aveuglé moi aussi, ne percevant plus que par instants la grappe humaine en l’air.

Et tout à coup, dans une plus grande secousse, la silhouette de cette grappe se rompit brusquement, changea de forme ; deux corps s’en détachèrent, et tombèrent les bras écartés dans les volutes mugissantes de la mer, tandis qu’un autre s’aplatit sur le pont, sans un cri, comme serait tombé un homme déjà mort.

— Encore le marchepied cassé ! dit le maître de quart, en frappant du pied avec rage. Du filin pourri, qu’ils nous ont donné dans ce sale port de Brest ! Le grand Kerboul, à la mer. Le second, qui est-ce ?

D’autres, raccrochés par les mains à des cordages, un instant balancés dans le vide, remontaient maintenant, à la force des poignets, en se dépêchant, — très vite, comme des singes.

Je reconnus Yves, un de ceux qui grimpaient, — et alors, je repris ma respiration, que l’angoisse avait coupée.

Ceux qui étaient à la mer, on jeta bien des