Page:Loti - Mon frère Yves, 1893.djvu/163

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barbe, en songeant à ce qui va se passer. Yves, lui, ne répond rien, se contentant de se coucher sur l’autre côté et de lui tourner le dos avec une suprême insolence ; lui aussi m’a vu venir.

— Nous avons commencé une partie d’écarté ensemble, dit maître Lagatut ; — vous, Kermadec, quartier-maître de manœuvre ; moi, Lagatut, premier maître canonnier, décoré de la légion d’honneur. — Grâce à des officiers qui vous protègent, vous avez fait les deux premières levées : reste à savoir qui va faire les trois autres.

— Maître Lagatut, dis-je par derrière, nous jouerons cela à trois, si vous voulez bien : un rams, ce sera plus gai. Et toi, mon bon Yves, marque encore une levée.

Une poule qui trouve un couteau, un voleur qui trébuche sur un gendarme, une souris qui, par mégarde, pose la patte sur un chat, n’ont pas la mine plus longue que maître Lagatut.

… Ce n’était peut-être pas très correct, cette plaisanterie que je venais de faire. Mais la galerie, qui nous était très sympathique, jouissait beaucoup de ce triomphe d’Yves.