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faut, dit Yves, qui riait assez rarement. Mais je vais vous dire, moi, j’ai beaucoup rêvé là-dessus, encore cette nuit, et savez-vous une peur qui me vient ? C’est que ce soit une petite fille.

En effet, quelle contrariété si ce filleul attendu allait être une petite fille ! Il n’y aurait plus moyen de l’appeler Pierre.

… Cette parenté du petit enfant d’Yves avec les goélands n’était pas de mon invention : goéland était le nom qu’on donnait aux gabiers à bord de cette Ariane, et le nom qu’ils se donnaient entre eux. Il n’y avait donc pas à s’étonner que mon petit filleul à venir dût avoir dans les veines un peu de ce sang d’oiseau.

Aussi, en parlant de lui dans nos conversations du soir, nous disions toujours :

— Quand le petit goéland sera arrivé.

Jamais nous ne l’appelions d’une autre manière.

XLII

Brest, 13 juin 1878.

Nous habitons pour aujourd’hui un logis de hasard, rue de Siam, à Brest, où l’Ariane est revenue mouiller ce matin.