Page:Loti - Mon frère Yves, 1893.djvu/184

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Toutes ces campagnes qui dorment, toutes ces collines boisées qui nous entourent, tous ces sommeils d’arbres, toutes ces tranquillités nous oppressent. Nous nous sentons un peu des étrangers au milieu de tout cela, et la mer nous manque, la mer, qui est en somme le grand espace ouvert, le grand champ libre sur lequel nous nous sommes accoutumés à courir.

Yves subit ces impressions et me les exprime d’une manière naïve, d’une manière à lui, qui n’est guère intelligible que pour moi. Au milieu de son bonheur, une inquiétude le trouble ce soir, presque un regret d’être venu étourdiment fixer sa destinée dans cette chaumière perdue.

Et puis nous rencontrons un calvaire, qui tend dans l’obscurité ses deux bras gris, et nous songeons à toutes ces vieilles chapelles de granit, qui sont posées çà et là autour de nous, isolées au milieu des bois de hêtres et dans lesquelles veillent des esprits de morts.

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