Page:Loti - Mon frère Yves, 1893.djvu/237

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en regardant là-bas cette nappe d’eau immobile avec cette grande forme de bête qui semble dormir au milieu, derrière un voile de brume. On est bien au grand air ici, mais le vent y est plus âpre qu’à Toulven, la campagne plus désolée ; et les enfants sentent tout cela d’instinct ; en présence des tristesses des choses, ils ont des mélancolies et des silences involontaires, — comme les petits oiseaux.

Voilà bien deux petits camarades qui arrivent d’une chaumière voisine pour le voir, lui, le nouveau venu. Mais ce ne sont plus ceux de Toulven, ceux-ci ; ils ne connaissent pas les mêmes jeux ; les quelques petits mots qu’ils savent dire ne sont plus du même breton. Alors, n’osant pas trop ni les uns ni les autres, ils sont là tous trois qui s’observent, avec des petits sourires, avec des petites mines comiques.

… C’est hier que petit Pierre est arrivé à Plouherzel avec Marie Kermadec. Yves a écrit à sa femme de faire bien vite ce voyage ; une idée lui est venue tout d’un coup, un espoir, que cela les réconcilierait peut-être avec sa mère. C’est que la vieille femme, toujours dure et volontaire, après avoir d’abord refusé net son consentement à leur