Page:Loti - Mon frère Yves, 1893.djvu/239

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

porté un petit cadavre raidi, une petite fille de cire blanche, qu’on a couchée près de la chapelle, sous une croix de bois et une bosse de gazon vert.

Elle avait encore un espoir en son fils Yves, le dernier, le plus chéri, parce qu’il était resté le plus longtemps au foyer… Peut-être, au moins, celui-là reviendrait-il quelque jour habiter près d’elle !

Mais non, cette Marie Keremenen le lui avait pris ; et, en même temps, — chose qui comptait aussi dans sa rancune, — elle lui avait enlevé l’argent que ce fils lui envoyait autrefois pour l’aider à vivre.

Et, depuis deux ans, elle était seule, toute seule, jusqu’à son dernier jour.

Pour obéir à Yves, Marie est venue hier, après deux journées de voyage, frapper à cette porte avec son enfant. Une vieille femme, aux traits durs, qu’elle a reconnue tout de suite sans jamais l’avoir vue, est venue lui ouvrir.

— Je suis Marie, la femme d’Yves… Bonjour, ma mère !

— La femme Yves ! la femme d’Yves !… Et, alors, c’est donc le petit Pierre, celui-ci ? c’est donc mon petit-fils ?