Page:Loti - Mon frère Yves, 1893.djvu/257

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Cette fois, il s’agit d’un rêve qu’ils ont fait tous deux, Yves et sa femme : réunir tout leur avoir et bâtir une petite maison, couverte en ardoise, dans Toulven. J’aurai ma chambre à moi, dans cette petite maison, et on y mettra des vieilleries bretonnes que j’aime, et des fleurs et des fougères. Ils ne veulent plus demeurer dans les grandes villes, ni dans Brest surtout ; — c’est trop mauvais pour Yves.

— Comme ça, dit-il, c’est vrai que je n’habiterai pas bien souvent chez moi ; mais, quand je pourrai y venir, nous y serons tout à fait heureux. Et puis vous comprenez, c’est surtout pour plus tard, quand j’aurai ma retraite ; je serai très bien dans ma maison, avec mon petit jardin.

La retraite !… Toujours ce rêve que les matelots commencent à faire en pleine jeunesse, comme si leur vie présente n’était qu’un temps d’épreuve. Prendre sa retraite, vers quarante ans ; après avoir fait les cent coups par le monde, posséder un petit coin de terre à soi, y vivre très sage et n’en plus sortir ; devenir quelqu’un de posé dans son hameau, dans sa paroisse, — marguillier après avoir été rouleur de mer ; vieux diable, se faire