Page:Loti - Mon frère Yves, 1893.djvu/271

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bonnet sur l’oreille, des fleurs aux boutonnières, des rubans, des trompettes, et, par ironie pour les gens à vue faible, portant des lorgnons bleus, — trois jeunes hommes à la tournure délurée, à la tête intelligente, qui couraient leur bordée de départ au moment de s’en aller en Chine.

Des bourgeois se fussent cassé le cou. Eux, qui avaient tant bu, tenaient ferme, sautaient comme des cabris, et la voiture s’en allait grand train, de droite et de gauche, dans les ornières, menée par un cocher ivre.

À Plougastel, nous avions trouvé le bruit d’une fête de village, des chevaux de bois, une naine, une géante, la famille Mouton qui se désosse, et des jeux et des cabarets. Et puis, sur une place isolée, entourée de chaumières grises, les binious bretons sonnaient un air rapide et monotone du temps passé, des gens en vieux costume dansaient à cette musique centenaire ; hommes et femmes, se tenant par la main, couraient, couraient dans le vent, comme des fous, en longue file frénétique. Cela, c’était la vieille Bretagne, donnant encore sa note sauvage, même aux portes de Brest, au milieu de ce tapage de foire.