Page:Loti - Mon frère Yves, 1893.djvu/290

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calmer. C’était précisément une belle journée de dimanche ; il faisait un de ces temps rares d’arrière-automne qui ont une mélancolie paisible et exquise, qui sont comme un dernier repos du soleil avant l’hiver. Elle s’était habillée dans sa belle robe et sa collerette brodée, elle avait fait la grande toilette du petit Pierre, comptant qu’ils iraient tous les trois se promener ensemble à ce beau soleil doux. Dans la rue, des couples de gens du peuple passaient, endimanchés, s’en allant sur les routes et dans les bois comme au printemps.

… Mais non, rien n’y faisait ; Yves avait prononcé l’affreuse phrase de brute qu’elle connaissait si bien : « Je m’en vais retrouver mes amis. » C’était fini !

Alors, sentant sa pauvre tête s’en aller de douleur, elle avait voulu tenter un moyen extrême : pendant qu’il regardait dans la rue, elle avait fermé la porte à double tour et caché la clef dans son corsage. Mais lui, qui avait compris ce qu’elle venait de faire, se mit à dire, la tête baissée, les yeux sombres :

— Ouvre !… ouvre !… M’entends-tu ? je te dis de m’ouvrir !