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LXXX

À deux heures, le même jour, après marché conclu, Yves ayant acheté des hardes de marin du commerce et changé de costume clandestinement dans un cabaret du quai, monta à bord de la Belle-Rose.

Il se mit à faire le tour de ce bateau, qui était mal tenu, qui avait des aspects de rudesse sauvage, mais qu’on sentait souple et fort, taillé pour la course et les hasards de mer.

Auprès des navires de l’état, celui-ci semblait petit, court, et surtout vide : un air abandonné, presque personne à bord ; même au mouillage, cette espèce de solitude serrait le cœur. Trois ou quatre forbans étaient là, qui rôdaient sur le pont ; ils composaient tout l’équipage et ils allaient devenir, pour des années peut-être, les seuls compagnons d’Yves.

Ils commencèrent par se dévisager, les uns les autres, avant de se parler.

Tout le jour, dura ce même beau temps tiède et