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bans de misaine. À côté des damiers et des pétrels, on y voyait même des rats quelquefois, déshabillés aussi de leur peau et pendus par la queue.

Une nuit, on entendit tout à coup se lever une grande voix terrible, et tout le monde s’agiter et courir.

En même temps, la Sibylle s’inclinait toujours, toute frémissante, comme sous l’étreinte d’une ténébreuse puissance.

Alors ceux mêmes qui n’étaient pas de quart, ceux qui dormaient dans les faux ponts, comprirent : c’était le commencement des grands vents et des grandes houles ; nous venions d’entrer dans les mauvais parages du sud, au milieu desquels il allait falloir se débattre et marcher quand même.

Et plus nous avancions dans cet océan sombre, plus ce grand vent devenait froid, plus cette houle était énorme.

Les tombées des nuits devenaient sinistres. C’étaient les parages du cap Horn : désolation sur les seules terres un peu voisines, désolation sur la mer, désert partout. À cette heure des crépuscules