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effaroucher tous les amis nouveaux auxquels j’allais être présenté comme un marin du midi. C’était entendu avec Yves, cette mise en scène et cette histoire.

Je descendis sur le perron de l’hôtel, où le soleil donnait. La place était pleine de monde : des marins, des paysans, des pêcheurs. Yves était là, lui aussi ; revenu au petit jour pour cette foire avec tous ses parents de Plouherzel, il m’attendait en bas pour me conduire à sa mère.

Une très vieille femme, se tenant droite et un peu fière dans son costume de paysanne, c’était la mère d’Yves. Elle avait un peu ses yeux, mais son regard était dur. Je m’étonnai aussi de la trouver si âgée : elle semblait plus que septuagénaire. Il est vrai, à la campagne, on vieillit plus vite, surtout quand la fatigue s’en est mêlée, avec des chagrins.

Elle n’entendait pas un seul mot de galleuc (de français) et me regardait à peine.

Mais il y avait un très grand nombre de cousins et d’amis qui tous avaient l’accueil avenant et l’air de belle humeur. Ils étaient venus de loin, de leurs petites chaumières moussues, éparpillées dans la campagne sauvage, pour assister à cette grande fête