Page:Loti - Pêcheur d Islande.djvu/131

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pour l’amuser, comme toujours, faisait par derrière à cet adjudant une fine grimace impayable, avec une révérence.

Ensuite, quand il reparut, le petit-fils bien décolleté dans sa tenue de sortie, elle avait été émerveillée de le trouver si beau : sa barbe noire, qu’un coiffeur lui avait taillée, était en pointe à la mode des marins cette année-là, les liettes de sa chemise ouverte étaient frisées menu, et son bonnet avait de longs rubans qui flottaient terminés par des ancres d’or.

Un instant elle s’était imaginé voir son fils Pierre qui, vingt ans auparavant, avait été lui aussi gabier de la flotte, et le souvenir de ce long passé déjà enfui derrière elle, de tous ces morts, avait jeté furtivement sur l’heure présente une ombre triste.

Tristesse vite effacée. Ils étaient sortis bras dessus bras dessous, dans la joie d’être ensemble ; – et c’est alors que, la prenant pour son amoureuse, on l’avait jugée « un peu ancienne ».

Elle l’avait emmené dîner, en partie fine, dans une auberge tenue par des Paimpolais, qu’on lui avait recommandée comme n’étant pas trop chère.