Page:Loti - Pêcheur d Islande.djvu/136

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

décrivait une courbe d’oiseau qui s’envole, afin de faire le tour et d’arriver à la barrière, dehors, à temps pour la voir passer.

Un grand coup de sifflet, l’ébranlement bruyant des roues, – la grand’mère passa. – Lui, contre cette barrière, agitait avec une grâce juvénile son bonnet à rubans flottants, et elle, penchée à la fenêtre de son wagon de troisième, faisant signe avec son mouchoir pour être mieux reconnue. Si longtemps qu’elle put, si longtemps qu’elle distingua cette forme bleu-noir qui était encore son petit-fils, elle le suivait des yeux, lui jetant de toute son âme cet « au revoir » toujours incertain que l’on dit aux marins quand ils s’en vont.

Regarde-le bien, pauvre vieille femme, ce petit Sylvestre ; jusqu’à la dernière minute, suis bien sa silhouette fuyante, qui s’efface là-bas pour jamais…

Et, quand elle ne le vit plus, elle retomba assise, sans souci de froisser sa belle coiffe, pleurant à sanglots, dans une angoisse de mort…

Lui, s’en retournant lentement, tête baissée, avec de grosses larmes descendant sur ses joues. La nuit d’automne était venue, le gaz allumé partout, la fête des matelots commencée. Sans