Page:Loti - Pêcheur d Islande.djvu/140

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comme en procession pour se perdre dans les plaines.

Sur ces quais circulaient toute espèce de costumes ; des hommes en robe de toutes les couleurs, affairés, criant, dans le grand coup de feu du transit. Et le soir, aux sifflets diaboliques des machines, étaient venus se mêler les tapages confus de plusieurs orchestres, jouant des choses bruyantes, comme pour endormir les regrets déchirants de tous les exilés qui passaient.

Le lendemain, dès le soleil levé, ils étaient entrés eux aussi dans l’étroit ruban d’eau entre les sables, suivis d’une queue de bateaux de tous les pays. Cela avait duré deux jours, cette promenade à la file dans le désert ; puis une autre mer s’était ouverte devant eux, et ils avaient repris le large.

On marchait à toute vitesse toujours ; cette mer plus chaude avait à sa surface des marbrures rouges et quelquefois l’écume battue du sillage avait la couleur du sang. Il vivait presque tout le temps dans sa hune, se chantant tout bas à lui-même Jean-François de Nantes, pour se rappeler son frère Yann, l’Islande, le bon temps passé.

Quelquefois, dans le fond des lointains pleins de