Page:Loti - Pêcheur d Islande.djvu/174

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Mais il n’était plus le guerrier d’avant, à l’allure décidée, à la voix vibrante et brève. Non, tout cela était tombé devant la longue souffrance et la fièvre amollissante. Il était redevenu enfant, avec le mal du pays ; il ne parlait presque plus, répondant à peine d’une petite voix douce, presque éteinte. Se sentir si malade, et être si loin, si loin ; penser qu’il faudrait tant de jours et de jours avant d’arriver au pays, — vivrait-il seulement jusque-là, avec ses forces qui diminuaient ?… Cette notion d’effroyable éloignement était une chose qui l’obsédait sans cesse ; qui l’oppressait à ses réveils, — quand, après les heures d’assoupissement, il retrouvait la sensation affreuse de ses plaies, la chaleur de sa fièvre et le petit bruit soufflant de sa poitrine crevée. Aussi il avait supplié qu’on l’embarquât, au risque de tout.

Il était très lourd à porter dans son cadre ; alors, sans le vouloir, on lui donnait des secousses cruelles en le charroyant.

À bord de ce transport qui allait partir, on le coucha dans l’un des petits lits de fer alignés à l’hôpital et il recommença en sens inverse sa longue promenade à travers les mers. Seulement, cette