Page:Loti - Pêcheur d Islande.djvu/233

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elle se croyait mal coiffée, avec un air fatigué pour avoir fait son ouvrage trop vite ; elle eût donné je ne sais quoi pour être cachée dans les touffes d’ajoncs, disparue dans quelque trou de fouine. Du reste, lui aussi avait eu un mouvement de recul, comme pour essayer de changer de route. Mais c’était trop tard : ils se croisèrent dans l’étroit chemin.

Lui, pour ne pas la frôler, se rangea contre le talus, d’un bond de côté comme un cheval ombrageux qui se dérobe, en la regardant d’une manière furtive et sauvage.

Elle aussi, pendant une demi-seconde, avait levé les yeux, lui jetant malgré elle-même une prière et une angoisse. Et, dans ce croisement involontaire de leurs regards, plus rapide qu’un coup de feu, ses prunelles gris de lin avaient paru s’élargir, s’éclairer de quelque grande flamme de pensée, lancer une vraie lueur bleuâtre, tandis que sa figure était devenue toute rose jusqu’aux tempes, jusque sous les tresses blondes.

Il avait dit en touchant son bonnet :

— Bonjour, mademoiselle Gaud !

— Bonjour, monsieur Yann, répondit-elle.