Page:Loti - Pêcheur d Islande.djvu/25

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— C’est sûr que tu devrais te marier, Yann, dit tout à coup Sylvestre, avec beaucoup de sérieux cette fois, en regardant dans l’eau. (Il avait l’air de bien en connaître quelqu’une en Bretagne qui s’était laissé prendre aux yeux bruns de son grand frère, mais il se sentait timide en touchant à ce sujet grave.)

— Moi !… Un de ces jours, oui, je ferai mes noces — et il souriait, ce Yann, toujours dédaigneux, roulant ses yeux vifs — mais avec aucune des filles du pays ; non, moi, ce sera avec la mer, et je vous invite tous, ici tant que vous êtes, au bal que je donnerai…

Ils continuèrent de pêcher, car il ne fallait pas perdre son temps en causeries : on était au milieu d’une immense peuplade de poissons, d’un banc voyageur, qui, depuis deux jours, ne finissait pas de passer.

Ils avaient tous veillé la nuit d’avant et attrapé, en trente heures, plus de mille morues très grosses ; aussi leurs bras forts étaient las, et ils s’endormaient. Leur corps veillait seul, et continuait de lui-même sa manœuvre de pêche, tandis que, par instants, leur esprit flottait en plein sommeil. Mais