Page:Loti - Pêcheur d Islande.djvu/267

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plaisir de les voir, et aussi pour essayer de les faire rentrer. Elle disait :

— Vous aurez froid, mes bons enfants, vous attraperez du mal. Ma Doué, ma Doué, rester dehors si tard, je vous demande un peu, ça a-t-il du bon sens ?

Froid !… Est-ce qu’ils avaient froid, eux ? Est-ce qu’ils avaient seulement conscience de quelque chose en dehors du bonheur d’être l’un près de l’autre ?

Les gens qui passaient, le soir, dans le chemin, entendaient un léger murmure à deux voix, mêlé au bruissement que la mer faisait en dessous, au pied des falaises. C’était une musique très harmonieuse, la voix fraîche de Gaud alternait avec celle de Yann qui avait des sonorités douces et caressantes dans des notes graves. On distinguait aussi leurs deux silhouettes tranchant sur le granit du mur auquel ils étaient adossés : d’abord le blanc de la coiffe de Gaud, puis toute sa forme svelte en robe noire et, à côté d’elle, les épaules carrées de son ami. Au-dessus d’eux, le dôme bossu de leur toit de paille et, derrière tout cela, les infinis crépusculaires, le vide incolore des eaux et du ciel…