Page:Loti - Pêcheur d Islande.djvu/298

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raisin que dans toutes les caves des débitants de Paimpol.

Qui sait où il avait poussé, ce vin de naufrage ? Il était fort, haut en couleur, très mêlé d’eau de mer, et gardait le goût âcre du sel. Il fut néanmoins trouvé très bon, et plusieurs bouteilles se vidèrent.

Les têtes tournaient un peu ; le son des voix devenait plus confus et les garçons embrassaient les filles.

Les chansons continuaient gaîment ; cependant on n’avait guère l’esprit tranquille à ce souper, et les hommes échangeaient des signes d’inquiétude à cause du mauvais temps qui augmentait toujours.

Dehors, le bruit sinistre allait son train, pis que jamais. Cela devenait comme un seul cri, continu, renflé, menaçant, poussé à la fois, à plein gosier, à cou tendu, par des milliers de bêtes enragées.

On croyait aussi entendre de gros canons de marine tirer dans le lointain leurs formidables coups sourds : et cela, c’était la mer qui battait de partout le pays de Ploubazlanec : — non, elle ne paraissait pas contente, en effet, et Gaud se sen-