Page:Loti - Pêcheur d Islande.djvu/300

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D’abord, il l’enlevait presque par la taille, pour l’empêcher de traîner sa robe, de mettre ses beaux souliers dans toute cette eau qui ruisselait par terre ; et puis il la prit à son cou tout à fait, et continua de courir encore plus vite… Non, il ne croyait pas tant l’aimer !… Et dire qu’elle avait vingt-trois ans ; lui bientôt vingt-huit ; que, depuis deux ans au moins, ils auraient pu être mariés, et heureux comme ce soir.

Enfin ils arrivèrent chez eux, dans leur pauvre petit logis au sol humide, sous leur toit de paille et de mousse ; — et ils allumèrent une chandelle que le vent leur souffla deux fois.

La vieille grand’mère Moan, qu’on avait reconduite chez elle avant de commencer les chansons, était là, couchée depuis deux heures dans son lit en armoire dont elle avait refermé les battants ; ils s’approchèrent avec respect et la regardèrent par les découpures de sa porte afin de lui dire bonsoir si par hasard elle ne dormait pas encore. Mais ils virent que sa figure vénérable demeurait immobile et ses yeux fermés ; elle était endormie ou feignait de l’être pour ne pas les troubler.

Alors ils se sentirent seuls l’un à l’autre.