Page:Loti - Pêcheur d Islande.djvu/307

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semblaient ne pas compter tant ils étaient une même chair tous deux et pour toute la vie.

… Inquiète, elle l’était beaucoup dans son bonheur, qui lui semblait quelque chose de trop inespéré, d’instable comme les rêves…

D’abord, est-ce que ce serait bien durable, chez Yann, cet amour ?… Parfois elle se souvenait de ses maîtresses, de ses emportements, de ses aventures, et alors elle avait peur : lui garderait-il toujours cette tendresse infinie, avec ce respect si doux ?…

Vraiment, six jours de mariage, pour un amour comme le leur, ce n’était rien : rien qu’un petit acompte enfiévré pris sur le temps de l’existence — qui pouvait encore être si long devant eux ! À peine avaient-ils pu se parler, se voir, comprendre qu’ils s’appartenaient. — Et tous leurs projets de vie ensemble, de joie tranquille, d’arrangement de ménage, avaient été forcément remis au retour…

Oh ! les autres années, à tout prix l’empêcher de repartir pour cette Islande !… Mais comment s’y prendre ? Et que feraient-ils alors pour vivre, étant si peu riches l’un et l’autre ?… Et puis il aimait tant son métier de mer…