Page:Loti - Pêcheur d Islande.djvu/53

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chants de prêtres. Chansons rudes et monotones dans les cabarets ; vieux airs à bercer les matelots ; vieilles complaintes venues de la mer, venues je ne sais d’où, de la profonde nuit des temps. Groupes de marins se donnant le bras, zigzaguant dans les rues, par habitude de rouler et par commencement d’ivresse, jetant aux femmes des regards plus vifs après les longues continences du large. Groupes de filles en coiffes blanches de nonnain, aux belles poitrines serrées et frémissantes, aux beaux yeux remplis des désirs de tout un été. Vieilles maisons de granit enfermant ce grouillement de monde ; vieux toits racontant leurs luttes de plusieurs siècles contre les vents d’ouest, contre les embruns, les pluies, contre tout ce que lance la mer ; racontant aussi les histoires chaudes qu’ils ont abritées, des aventures anciennes d’audace et d’amour.

Et un sentiment religieux, une impression de passé, planant sur tout cela, avec un respect du culte antique, des symboles qui protègent, de la Vierge blanche et immaculée. À côté des cabarets, l’église au perron semé de feuillages, tout ouverte en grande baie sombre, avec son odeur d’encens, avec ses cierges dans son obscurité, et ses ex-voto