Page:Loti - Pêcheur d Islande.djvu/94

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quel but tout cela ?… Quel mystère de destruction aveugle !…

Les nuages achevaient de se déplier en l’air, venant toujours de l’ouest, se superposant, empressés, rapides, obscurcissant tout. Quelques déchirures jaunes restaient seules, par lesquels le soleil envoyait d’en bas ses derniers rayons en gerbes. Et l’eau, verdâtre maintenant, était de plus en plus zébrée de baves blanches.

À midi, la Marie avait tout à fait pris son allure de mauvais temps ; ses écoutilles fermées et ses voiles réduites, elle bondissait souple et légère ; — au milieu du désarroi qui commençait, elle avait un air de jouer comme font les gros marsouins que les tempêtes amusent. N’ayant plus que la misaine, elle fuyait devant le temps, suivant l’expression de marine qui désigne cette allure-là.

En haut, c’était devenu entièrement sombre, une voûte fermée, écrasante, — avec quelques charbonnages plus noirs étendus dessus en taches informes ; cela semblait presque un dôme immobile, et il fallait regarder bien pour comprendre que c’était au contraire en plein vertige de mouvement : grandes nappes grises, se dépêchant de