être amené en moi le premier éveil de mes terreurs en présence de notre course au néant…
À neuf heures et demie, on apportait le thé, et c’était toujours à ce moment-là que nous arrivait, de la rue silencieuse et déserte, la pauvre voix cassée qui chantait, sur un air si mélancolique : « Gâteaux, gâteaux, mes bons gâteaux tout chauds ! » La bonne vieille marchande, entendue ainsi toute mon enfance, passait toujours avec sa même régularité presque inquiétante, presque fatale dirais-je, comme ces coucous qui, pour chanter nos heures fugitives, sortent automatiquement des vieilles pendules.
Il faisait son entrée, le thé, sur le toujours même immense plateau rouge, qui datait de l’Empire ; quant aux fameuses tartines, les assiettes en vieux Chine dans lesquelles on les servait tous les dimanches venaient de notre maison de l’île, apportées depuis deux siècles par des ascendants inconnus dont les aventures