où se concentrait le peu de vie d’alentour. J’en étais vraiment loin, séparé par tant d’appartements inhabités et remplis de trop de souvenirs de chères mortes, enfilade de salons vides, chambres vides, chambres où personne n’avait plus couché depuis que des aïeules en étaient parties pour le cimetière. Oh ! la lugubre chose, quand on s’y appesantit, d’avoir été le plus jeune et de rester le dernier de tout un groupe d’êtres qui vous avaient chéri pendant vos premières années… Et puis, ce jour-là, une sourde angoisse, que l’on osait à peine s’avouer à soi-même, oppressait toutes les âmes françaises. Des paroles ambiguës étaient arrivées de Berlin, l’officine des grandes fourberies, où plus que jamais semblaient se tramer d’abominables complots. Évidemment on se disait : « Non, ce n’est pas possible ; la guerre est devenue infaisable à force d’horreur ; aucun homme au monde, fût-ce même leur Kaiser sinistre, n’oserait déchaîner cela. » C’est égal, on traversait une fois de plus une période anxieuse, du fait de l’homme d’Agadir. Et la possibilité d’une telle chose, qui bouleverserait de fond en comble l’humanité, rendait plus profondes mes pensées, avivait pour moi davantage le regret de ces passés relativement calmes et doux, qui imprégnaient encore de leur souvenir la vieille maison.
J’allai m’accouder à ma fenêtre, et là un souffle très chaud du vent d’été m’apporta une odeur exquise, envoyée par certain chèvrefeuille que j’ai