Oh ! lorsque, plus tard, l’honneur m’échut à mon tour de les commander, je me les rappelle si magnifiques, par ces grands mauvais temps où, naguère, le sort du navire se réglait dans la mâture ! Le plus souvent, comme par un fait exprès, c’était en pleine nuit qu’il fallait grimper, et se débattre là-haut, se cramponnant d’une main, travaillant de l’autre, dans le bruit trop terrible de ces rafales qui arrêtent et affolent les poumons, au milieu de ce tohu-bohu de cordages cinglants, et d’eau froide lancée par paquets, et d’immenses voiles plus dures que du cuir, qui se gonflent, se tordent, se cabrent comme par fureur, pour vous désarçonner, pour vous désagripper des vergues déjà si perfidement balancées, et puis vous jeter, ainsi qu’une petite chose négligeable et perdue, au fond des grands abîmes mouvants et noirs d’en dessous… Il n’y a pas de mots pour rendre l’horreur de certaines nuits mauvaises, à la mer, pas de mots pour glorifier ces hommes et leurs luttes de colosses contre des voiles trop lourdes et trop grandes qu’il faut comprimer à tout prix. Plus d’une fois, quand ils redescendaient des hunes, après de longues heures d’épuisants efforts, trempés jusqu’à la peau, blêmes et claquant des dents, plus d’une fois il m’est arrivé de serrer avec dévotion leurs pauvres mains glacées et saignantes, aux ongles décollés ou arrachés par ces grosses toiles rugueuses que la mouillure avait rendues plus intraitables. Mais eux,