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Page:Loti - Ramuntcho, 1927.djvu/334

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seules. Distraitement, il touche la main de Ramuntcho :

« Eh bien donc, au revoir !… Bonne chance là-bas !… »

Et, de son pas silencieux, il s’en va retrouver les contrebandiers, vers la frontière, dans l’obscurité propice.

Alors Raymond, seul au monde à présent, enlève d’un coup de fouet le petit cheval montagnard, qui file avec son bruit léger de clochettes… Ce train qui doit passer à Aranotz, ce paquebot qui va partir de Bordeaux…, un instinct le pousse encore à ne pas les manquer. Machinalement il se hâte, sans plus savoir pourquoi, comme un corps sans âme qui continuerait d’obéir à une impulsion ancienne, et, très vite, lui qui pourtant est sans but et sans espérance au monde, il s’enfonce dans la campagne sauvage, dans l’épaisseur des bois, dans tout ce noir profond de la nuit de mai que les nonnes, de leur haute fenêtre, voient alentour…

Pour lui, c’est fini du pays, fini à jamais ; fini des rêves délicieux et doux de ses premières années. Il est une plante déracinée du cher sol basque, et qu’un souffle d’aventure emporte ailleurs.