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LE ROMAN D’UN ENFANT

sant vigoureusement dans le sable : des belles-de-jour, qui dépassaient de leurs jolies têtes jaunes, roses ou rouges, des fouillis de résédas, et qui s’épanouissaient à midi, avec une douce odeur d’oranger.

En face, un petit chemin creux ensablé descendait rapidement à la plage.

De ce séjour à la grand’côte date ma première connaissance vraiment intime, avec les varechs, les crabes, les méduses, les mille choses de la mer.

Et ce même été vit aussi mon premier amour, qui fut pour une petite fille de ce village. Mais ici encore, pour que le récit soit plus fidèle, je laisse la parole à ma sœur et, dans le vieux cahier, je copie simplement :

À la douzaine, tous bruns et hâlés, trottinant avec leurs petits pieds nus, ils (les enfants des pêcheurs) suivaient Pierre, ou bravement le précédaient, se retournant de temps à autre, et écarquillant leurs beaux yeux noirs… C’est qu’à cette époque, un petit monsieur, c’était chose assez rare dans le pays pour qu’il valût la peine de se déranger.

Par le sentier creux, ensablé, Pierre descendait ainsi chaque jour à la plage accompagné de son cortège. Il courait aux coquilles, qui étaient ravissantes sur cette partie de la côte : jaunes, roses, violettes, de toutes les couleurs vives et fraîches, de toutes les formes les plus