Page:Loti - Roman d’un enfant, éd. 1895.djvu/127

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
113
LE ROMAN D’UN ENFANT

de la Limoise ; des coquilles ramassées sur les plages de l’ « île » et d’autres, des « colonies », rapportées autrefois par des parents inconnus, et dénichées au grenier au fond de vieux coffres où elles sommeillaient depuis des années sous de la poussière. Dans ce domaine, je passais des heures seul, tranquille, en contemplation devant des nacres exotiques, rêvant aux pays d’où elles étaient venues, imaginant d’étranges rivages.

Un bon vieux grand-oncle, parent éloigné, mais qui m’aimait bien, encourageait ces amusements. Il était médecin et ayant, dans sa jeunesse, longtemps habité la côte d’Afrique, il possédait un cabinet d’histoire naturelle plus remarquable que bien des musées de ville. D’étonnantes choses étaient là, qui me captivaient : des coquilles rares et singulières, des amulettes, des armes encore imprégnées de ces senteurs exotiques dont je me suis saturé plus tard ; d’introuvables papillons sous des vitres.

Il demeurait dans notre voisinage et je le visitais souvent. Pour arriver à son cabinet, il fallait traverser son jardin où fleurissaient des daturas, des cactus, et où se tenait un perroquet gris du Gabon, qui disait des choses en langue nègre.

Et quand le vieil oncle me parlait du Sénégal, de Gorée, de la Guinée, je me grisais de la musique