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LE ROMAN D’UN ENFANT

aux vieux murs d’enceinte, — adossé à tout l’inconnu de la campagne noire où chantaient les hiboux des bois. Et tandis qu’on était là, dans la belle nuit tiède semée d’étoiles, dans le silence sonore plein de musiques de grillons, tout à coup une cloche commençait à tinter, très loin mais très clair, là-bas dans l’église du village.

Oh ! l’Angelus d’Echillais, entendu dans ce jardin, par ces beaux soirs d’autrefois ! Oh ! le son de cette cloche, un peu fêlée mais argentine encore, comme ces voix très vieilles, qui ont été jolies et qui sont restées douces ! Quel charme de passé, de recueillement mélancolique et de paisible mort, ce son-là venait répandre dans l’obscurité limpide de la campagne !… Et la cloche tintait longtemps, inégale dans le lointain, tantôt assourdie, tantôt rapprochée, au gré des souffles tièdes qui remuaient l’air. Je songeais à tous les gens qui devaient l’écouter, dans les fermes isolées ; je songeais surtout aux endroits déserts d’alentour, où il n’y avait personne pour l’entendre, et un frisson me venait à l’idée des bois proches voisins, où sans doute les dernières vibrations devaient mourir…

Un conseil municipal, composé d’esprits supérieurs, après avoir affublé le pauvre vieux clocher roman d’une potence avec un drapeau tricolore, a