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LE ROMAN D’UN ENFANT

collines ; les paysans plus bruns parlaient un langage incompréhensible, et je regardais surtout ces femmes qui marchaient avec un balancement de hanches inusité chez nos paysannes, portant sur leur tête des fardeaux, des gerbes, ou de grandes buires de cuivre brillant. Toute mon intelligence était tendue, vibrante, dangereusement charmée par cette première révélation d’aspects étrangers et inconnus.

Vers le soir, au bord d’une de ces rivières du Midi qui bruissent sur des lits plats de galets blancs, nous arrivâmes à la petite ville singulière qui était le but de notre voyage. Elle avait encore ses vieilles portes ogivales, ses hauts remparts à mâchicoulis, ses rues bordées de maisons gothiques, et le rouge de sanguine était la teinte générale de ses murailles.

Un peu intrigués et émus, nous cherchions des yeux ces cousins dont nous ne connaissions même pas les portraits, et qui sans doute guettaient notre arrivée, viendraient à notre rencontre… Tout à coup, nous vîmes paraître un grand jeune homme donnant le bras à une jeune fille en robe de mousseline blanche ; alors, sans la moindre hésitation réciproque, nous échangeâmes un signe de reconnaissance : nous nous étions retrouvés.

À leur porte, sur les marches de leur seuil, l’oncle et la tante nous attendaient, accueillants, et