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LE ROMAN D’UN ENFANT

très profondes. Enfin, atteignant le sommet, on traversait le plus vieux et le plus étrange des villages, qui se tenait perché là depuis des siècles ; et un sonnait au petit portail du prêtre. Son jardinet et sa maison étaient surplombés par le château, par tout le chaos des murailles et des tours rouges, ébréchées, fendillées, croulantes. Une immense paix semblait sortir de ces ruines aériennes, un immense silence semblait s’en dégager, qui planait, intimidant, sur toutes les choses du voisinage…

Toujours très longs, les dîners que donnait ce bon vieux prêtre ; souvent même, c’étaient des bombances méridionales auxquelles plusieurs des notables de la région étaient conviés. Dix ou quinze plats se succédaient, accompagnés des fruits les plus dorés, les plus beaux, et des vins les plus choisis parmi ceux que la contrée produisait si abondamment en ce temps-là.

On restait à table plusieurs heures d’affilée par les chaudes après-midi d’août ou de septembre, et moi, seul enfant dans la compagnie, je ne tenais pas en place, troublé surtout par le voisinage écrasant de ce château : dès le second service, je demandais la permission de m’en aller. Une vieille servante sortait alors avec moi et venait m’ouvrir la première porte des murailles féodales de Castelnau ;