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LE ROMAN D’UN ENFANT

obscures, auvents toujours fermés, où je m’enfonçais avec de délicieuses terreurs, écoutant le bruit de mes pas dans cette sonorité sépulcrale ; je passais en revue les étranges peintures gothiques, les fresques effacées, ou les ornements encore dorés, chimères et guirlandes de bizarres fleurs, ajoutés là à l’époque de la Renaissance ; tout un passé de fantastique et farouche magnificence, agrandi jusqu’à l’épouvante, m’apparaissait alors noyé dans un vague de lointain, mais très éclairé, par ce même soleil du Midi qui chauffait autour de moi les pierres rouges de ces ruines abandonnées. Et, à présent que je remets ce Castelnau à son vrai point, le regardant en souvenir avec mes yeux qui ont entrevu toutes les splendeurs de la terre, je continue de penser que ce château enchanté de mon enfance était bien, dans son site charmant, un des plus somptueux débris de la France féodale…

Oh ! dans une tour, certaine chambre avec poutrelles bleu de roi semées de rosaces et de blasons d’or !… Aucun lieu ne m’a jamais apporté une plus intime impression de moyen âge ! Au milieu de ce silence de nécropole, accoudé là, seul, à une petite fenêtre aux épaisses parois, je contemplais les lointains verdoyants d’en dessous, cherchant à me représenter, sur ces sentiers aperçus à vol d’oi-