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LE ROMAN D’UN ENFANT

aimable, sa courtoisie, portaient un cachet local, et ce détail était pour me plaire.

Par opposition avec mon petit passé calfeutré, je vivais ici complètement dehors, dans les chemins, sur les portes, dans les rues.

Et elles étaient étranges et charmantes pour moi, ces rues étroites, pavées de cailloux noirs comme en Orient, et bordées de maisons gothiques ou Louis XIII.

Je connaissais à présent tous les recoins, places, carrefours, ruelles de ce village, et la plupart des bonnes gens campagnards qui y habitaient.

Ces femmes qui passaient devant la maison de mon oncle, paysannes avec des goitres, revenant des champs et des vignes avec des corbeilles de fruits sur la tête, s’arrêtaient toujours pour m’offrir les raisins les plus dorés, les plus délicieuses pêches.

Et j’étais charmé aussi de ce patois méridional, de ces chants montagnards, de tout cet incontestable dépaysement, dont l’impression me revenait de partout à la fois.

Encore aujourd’hui, quand il m’arrive de jeter les yeux sur quelqu’un de ces objets que je rapportais de là-bas pour mon musée, ou sur quelqu’une de ces petites lettres que j’écrivais chaque jour à ma