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LE ROMAN D’UN ENFANT

corbeille à ouvrage devant elle ; et la chiffonnière, dont les différents compartiments lui deviennent tour à tour utiles, est située assez loin, dans l’antichambre.

Une chiffonnière Louis XV, bien vénérable pour avoir appartenu à nos grand-grand’mères. On y trouve de très anciennes petites boîtes peinturlurées, qui ont dû être là de tout temps et que les doigts des aïeules touchaient sans doute chaque jour. Il va sans dire que je connais tous les secrets de ces compartiments, maintenus dans un ordre immuable ; il y a l’étage des soies, qui sont classées dans des sacs en rubans ; il y a celui des aiguilles, celui des petites soutaches et celui des petits crochets. Et l’arrangement de ces choses est tel encore sans doute que l’avaient conçu les aïeules dont ma mère a continué la sainte activité.

Apporter ces tiroirs de chiffonnière, a été une des joies, un des orgueils de ma première enfance, et rien n’a changé dans leur organisation depuis cette époque-là. Ils m’ont inspiré de tout temps le plus tendre respect ; ils sont absolument mêlés pour moi à l’image de ma mère et à tout ce que ces mains bienfaisantes, si agiles au travail, ont fabriqué de jolies petites choses, — jusqu’à la dernière de ses broderies, qui fut un mouchoir pour moi.