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LE ROMAN D’UN ENFANT

que moi ; il est vrai, la plupart étaient des voisins, qui devinaient de qui cette mystification devait leur venir, — et j étais aimé dans mon quartier en ce temps-là. Ou bien c’étaient des matelots, passants de bonne composition, qui se montrent en général indulgents aux enfantillages — et pour cause.

Mais ce qui restera pour moi incompréhensible, c’est que, dans ma famille, où on péchait plutôt par excès de réserve, on ait pu fermer les yeux là-dessus, tolérer même tacitement ce jeu pendant tout un printemps ; je ne me suis jamais expliqué ce manque de correction, et les années, au lieu de m’éclaircir ce mystère, n’ont fait que me le rendre plus surprenant encore.

Cet oiseau noir est naturellement devenu une de mes nombreuses reliques : de loin en loin, tous les deux ou trois ans, je le regarde : un peu mité, mais me rappelant toujours les belles soirées des mois de juin disparus, les griseries délicieuses des anciens printemps.