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LE ROMAN D’UN ENFANT

éphémère, ces êtres plus simples que nous et plus inconscients de la mort.

Et, dans mon rêve, il faisait une demi-nuit, qui n’était pas triste, mais douce au contraire comme la vrai nuit de mai du dehors, douce, tiède et pleine des bonnes odeurs du printemps ; j’étais dans la cour de ma maison, dont l’aspect n’avait rien de déformé ni d’étrange, et, le long des murs tout fleuris de jasmins, de chèvrefeuilles, de roses, je m’avançais indécis et troublé, cherchant je ne sais quoi, ayant conscience de quelqu’un qui m’attendait et que je désirais ardemment voir, ou bien de quelque chose d’inconnu qui allait se passer, et qui par avance m’enivrait…

À un point où se trouve un rosier très vieux, planté par un ancêtre et gardé respectueusement, bien qu’il donne à peine tous les deux ou trois ans une seule rose, j’aperçus une jeune fille, debout et immobile avec un sourire de mystère.

L’obscurité devenait un peu lourde, alanguissante.

Il faisait de plus en plus sombre partout, et cependant, sur elle seule, demeurait une sorte de vague lumière comme renvoyée par un réflecteur, qui dessinait son contour nettement avec une mince ligne d’ombre.

Je devinais qu’elle devait être extrêmement jolie et