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LE ROMAN D’UN ENFANT

milieu presque incolore, dans le coin le plus tranquille de la plus ordinaire des petites villes : recevant une éducation austèrement religieuse ; bornant mes plus grands voyages à ces bois de la Limoise, qui me semblaient profonds comme les forêts primitives, ou bien à ces plages de l’ « île », qui me mettaient un peu d’immensité dans les yeux lors de mes visites à mes vieilles tantes de Saint-Pierre-d’Oleron.

C’était surtout dans la cour de notre maison que se passait le plus clair de mes étés ; il me semblait que ce fût là mon principal domaine, et je l’adorais…

Bien jolie, il est vrai, cette cour ; plus ensoleillée et aérée, et fleurie que la plupart des jardins de ville. Sorte de longue avenue de branches vertes et de fleurs, bordée au midi par de vieux petits murs bas d’où retombaient des rosiers, des chèvrefeuilles, et que dépassaient des têtes d’arbres fruitiers du voisinage. Longue avenue très fleurie donnant des illusions de profondeur, elle s’en allait en perspective fuyante, sous des berceaux de vigne et de jasmin, jusqu’à un recoin qui s’élargissait comme un grand salon de verdure, — puis elle finissait à un chai, de construction très ancienne, dont les pierres grises disparaissaient sous des treilles et du lierre.