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LE ROMAN D’UN ENFANT

çaient à se remplir d’ombre et que déjà, dans les tournants, dans les coins s’esquissaient ces formes imaginaires de revenants ou de bêtes qui, la nuit, manquaient rarement de courir après moi sur les marches, à ma grande terreur…

La chambre de ma grand’tante Berthe était également très modeste, avec des rideaux de mousseline blanche. Les murs, tapissés d’un papier à vieux dessins du commencement de ce siècle, étaient ornés d’aquarelles, comme chez grand’mère d’en bas. Mais ce que je regardais surtout, c’était un pastel représentant, d’après Raphaël, une Vierge drapée de blanc, de bleu et de rose. Précisément les derniers rayons du soleil l’éclairaient toujours en plein (et j’ai déjà dit que l’heure du couchant était par excellence l’heure de cette chambre-là). Or, cette Vierge ressemblait à tante Berthe ; malgré la grande différence des âges, on était frappé de la similitude des lignes si droites et si régulières de leurs deux profils.

À ce même second étage, mais du côté de la rue, habitaient mon autre grand’mère, celle qui s’habillait toujours de noir, et sa fille, ma tante Claire, la personne de la maison qui me gâtait le plus. L’hiver, j’avais coutume de me rendre chez elles, en sortant de chez tante Berthe, après le soleil couché. Dans