Pour ta cruelle pauvreté
Et ton espèce incomparable,
Manteau néanmoins vénérable
Pour ton extrême antiquité,
Ce manteau, qui n’eut onc au monde
De vêtement qui le seconde,
Fut jadis d’un drap assez fin ;
Maintenant on ne peut cognaistre
S’il fut serge, drap ou limestre,
Car le pauvret tire à sa fin.
Il fut d’une façon honneste,
Premièrement, manteau de feste
Garny d’un colet de velours
Et d’une doublure de Frize,
Puis, tost après, changeant de guize,
Devint manteau de tous les jours.
Il n’y a ny façon ny sorte
Dont un habillement se porte
Que le pauvret n’ait pratiqué.
Il a esté robbe sans manche
Changeant de visage au dimanche,
À tous usage appliqué :
Maintes fois durant la froidure
Il a servi de couverture
Contre l’injure de la nuict
Et d’une façon différente,
De rideaux de ciel et de pante
De fonds et de tour à son lict.
Il fut aussi mis pour la trousse
Et mesme après servit de housse,
Sur quelque cheval emprunté ;
Page:Louÿs - Œuvres complètes, éd. Slatkine Reprints, 1929 - 1931, tome 10.djvu/31
Apparence
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.